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Histoire de pain

Ce récit est le témoignage simple et touchant de monsieur Dolo, boulanger à Rennes pendant de nombreuses années. Accompagné par des résidents de l'EHPAD dans lequel il vit, il a bien voulu nous faire part de ses souvenirs.


La passion au bout des doigts

La première chose qui frappe lorsque l'on s'entretient avec monsieur Dolo, c'est sa façon de parler avec les mains, comme s'il pétrissait encore la pâte à pain.

Né à Sainte-Anne-sur-Vilaine, il se passionne pour le métier de boulanger dès son plus jeune âge : « J'aimais ça, j'allais souvent à la boulangerie. Je me disais que quand je serais grand, je serais boulanger. »

Il commence son apprentissage à 16 ans, dans son village. À 19 ans, il arrive à Rennes, son oncle lui ayant trouvé une place chez monsieur Legendre, qui tient une boulangerie rue Saint-Hélier. Venu pour un essai de 15 jours, durant lesquels il dort dans le farinier, il est engagé aussitôt après.

Une fois engagé, il obtient sont certificat de boulanger à la Chambre Patronale et le laissez-passer délivré par la Kommandantur, papier qui lui permet de circuler pendant les heures de couvre-feu. C'est que nous sommes en 1942, Rennes est occupée depuis deux ans déjà.


Un boulanger à Rennes

Les journées de Monsieur Dolo commencent à 23h. Il se souvient « du calme et de la chaleur » régnant dans le fournil. Le levain étant préparé 5 à 6 heures avant, il commence par pétrir sa pâte – faite comme chacun sait d’eau, de farine, de levure et de sel –, étire la pâte, moule ses différents pains, les cuit… Il est préposé au patouillage, car il est le seul à savoir manier le rouable, un outil servant à ramener la cendre dans l’étouffoir afin de préserver la fournée : « C'était un coup à prendre. »

Au petit matin, il va porter le pain aux habitants des quartiers ou villages avoisinants. Pour cela, il enfourche son vélo, auquel est rattachée une remorque contenant le pain. Sur son dos, une sacoche qui contient le fruit de ses ventes et les bons de pain.

Après la tournée du pain, il faut s’occuper du bois nécessaire au bon fonctionnement des fours. C’est une tâche pour les employés. Certains après-midi, Monsieur Dolo va donc couper des fagots de châtaigniers.


Souvenirs, souvenirs

Après le bombardement de Rennes du 9 juin 1944, le boulanger doit quitter monsieur Legendre, la boutique ayant été soufflée. Il retrouve une place rue de Vern, dans la boulangerie Taillandier, auprès duquel il travaillera 1an ½.

Les souvenirs de Monsieur Dolo sont intacts. Il rappelle que les rennais n’ont jamais manqué de pain pendant la guerre, que les gens étaient friands des petits pains bénis distribués après la messe. Il se souvient des enfants qui lui couraient après quand il revenait de sa tournée dans l’espoir d’avoir le pain restant. Souvenir le plus étonnant qu’il ait : la viande que les habitants du quartier Saint-Hélier venait lui donner pour qu’il la cuise dans ses fours à pain : « C'était bien plus goûté ! »

À la fin de la guerre, monsieur Dolo passe par Coëtquidan, chez monsieur Cabel, puis il intègre la coopérative, située rue de Nantes. Il y passera 7 ans. La dissolution de cette coopérative effective, monsieur Dolo change de cap. Grâce à l'appui d’un ami, il entre comme vendeur dans une droguerie tenue par monsieur Langlois. Il s’y plaira tellement qu’il fera les 25 ans de carrière qu’il lui reste dans ce magasin.

Malgré ce nouveau boulot, monsieur Dolo reste un boulanger. Et les commerçants du coin le savent bien. Aimé et apprécié pour son savoir-faire et sa gentillesse, les boulangers lui demandent de venir travailler pour eux les week-ends. Il accepte toujours. Durant 25 ans, en plus de son métier de vendeur, monsieur Dolo continue à fabriquer du pain, fidèle à sa passion. Même durant les premières années de sa retraite !


Durant cet échange avec monsieur Dolo, les résidents ont pu eux aussi raconter leurs souvenirs de cette époque et de ce lien au pain qui semble avoir été primordial pour toute une population. Tous ont manifesté leur respect du métier du boulanger, acteur important de la vie quotidienne.

Leurs souvenirs à tous sont encore chauds, doux, croustillants, comme sortant d'un des fours de monsieur Dolo.


©L'Encre des Mots

Avec l'aimable autorisation de monsieur Dolo ainsi que des personnes citées. Toute reproduction même partielle est interdite, toute personne contrevenante s'expose à des poursuites. Si vous souhaitez diffuser ce témoignage, merci de me contacter.

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